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La fabrique de tabac
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L’avalasse d’été frappe
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contre le toit de fer blanc
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de notre hangar à tabac.
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nous respirons le silence
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pendant que nous continuons
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la fabrique.
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Mes frères, torses nus, en jeans,
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frappent les poignées de feuilles fanées
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contre les barils de chêne,
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puis frottent les pointes des bouquets
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pour en ôter la dernière poussière.
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Rat-tat, rat-tat,rat-tat.
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Tiche-tiche-tiche,tiche-tiche-tiche.
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Rat-tat, rat-tat,rat-tat,
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tiche-tiche-tiche,
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au tempo de la pluie,
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du rythme,
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et de la coutume.
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Papa arrose les feuilles fragiles
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d’une pluie fine,
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pour les assouplir
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Chipire-chipire-chipire.
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Je m’assis avec mes tantes et mes soeurs
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autour du chaland profond
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entassé de tabac aromatique.
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Portant des corsaires
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et des tee-shirts, nous saisissons
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le bout de chaque feuille,
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cassant la tige, la déchirant,
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faisant de grandes spirales,
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mains droites sur mains gauches,
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gardant le rythme
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et la coutume.
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Feuilles divisées en deux
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pendent de nos poignets
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comme des cheveux longs
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repoussés de côté;
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tiges jetées forment
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des monticules de spaghetti
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par terre.
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Casser-tirer-jeter,
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casser-tirer-jeter,
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nous remplissons nos barils
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de fèves rouges et de riz,
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souliers d’écoles,
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linge de dessous.
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La sueur ruisselle
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sur nos visages sales,
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Nous avalons de la poussière
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et du jus de tabac.
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Nos doigts écorchés
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ne se cicatriseront pas
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avant la fin de la fabrique.
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Mama vient au hangar
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avec du café noir
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et des beignets, en famille
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pour la douzième fois,
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gardant le rythme
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et la coutume.
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Dehors,
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la pluie nourrit
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les cipres,
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comme elle a fait
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depuis des siècles.
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Pourtant, je refuse
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cette grande con-for-mité.
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Non, non,non.
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Je ne veux
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jamais me marier,
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jamais connaître
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les silences de mama,
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ses larmes pendant la nuit.
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Au diable
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le rythme
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et la coutume.
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Extrait de “La grande Pointe” ( Ed.Cross-Cultural Communications,New York 1995)
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