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Langage de l’amour
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Le langage de l’amour , mon fils, c’est d’attendre aux portes
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de la nuit que s’ouvrent les étoiles et qu’elles déversent sur
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ton corps attendri de trop d’innocence une averse de poèmes,
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le langage de l’amour, mon fils, c’est s’assoupir, un après-midi
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tranquille, un brin de ciel entre tes dents, sous un flamboyant
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aux veines engorgées de soleils innombrables, le langage de
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l’amour, mon fils, c’est marcher sur la pointe des ailes des
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anges bleus vers les sanglots de l’océan, le langage de l’amour,
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mon fils, c’est l’euphorie cinglante de la musique aux obsèques
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de la douleur, le langage de l’amour, mon fils, c’est infuser
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dans le sable, avec les rutilances de tes yeux, le souvenir de
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beautés entrevues et sidérantes, le langage de l’amour, mon
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fils, c’est engranger les caresses d’un nuage frivole et la
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saveur d’une mangue épicée et sauvage qui martèle ta langue,
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le langage de l’amour, mon fils, ce sont tes mains qui se
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désserrent tel un vieux parchemin pour offrir au vent les
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semences de la miséricorde, le langage de l’amour, mon
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fils, c’est un cœur empli, évanoui par le roulis effréné et
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adorable de tes lèvres qui chantonnent mon nom -papa-,
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le langage de l’amour, mon fils, ce sont des lettres sans traces,
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des mots sans lettres, un langage sans mots, langage sans
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langage, langage qui dit le silence, langage qui est le silence.
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© Umar Timol
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Vagabondages
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Ma langue maternelle, - la sève qui nourrit ma parole,qui
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abonde dans les couloirs de mon inconscient, qui retrace
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les souvenirs de l’enfance, qui a irrigué mes premiers pas,
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qui épousera mon dernier souffle, - est le créole mais ma
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langue d’écriture est le français.
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Je n’écris pas en français car elle est matière que j’observe,
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que je guette, matière fugitive qui obéit au désordre,
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semblable à un animal féroce qui arpente les arènes du
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lointain, adepte de jeux cruels et qui me lance un défi,
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renouvelé et perpétuel, matière qui fustige les altérations
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et refuse le devenir de nos conjugaisons.
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Et il me faut donc entamer la traversée vers la langue,
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traversée sur un fleuve cerné par le doute et la peur, virgule
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ivre sur les flots sombres, alors atteindre la langue, l’accaparer,
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l’assagir, déchirer ses apparats, dénuder son histoire, éclairer
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ses instances primitives et ses vulgaires naissances, dénouer
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ses arcanes, la liquéfier, la ramener à son essence, évider les
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les masques de son pouvoir , épuiser ses séductions afin de
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me l’approprier, de l’enfouir en moi afin d’en faire ma langue,
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langue mêlée aux couchers de mes fauves et de mes fièvres.
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Mais la langue et ses mots sont ailleurs.Toujours.
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Il m’arrive de croire que je sais les soudoyer mais ils me
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foudroient, me violentent, alors je les crache au lieu de la
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fusion et ils se métissent, - obscènes avant d’êtres belles-,
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et maculent la page.
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Cet échec de la langue sert une volonté de dépassement.
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Puisque la langue est aux confins , puisque la langue ne
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m’appartient pas, puisque la langue participe à la translation
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de ma part d’indicible, puisqu’elle sert à semer ma trace dans
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le temps alors elle réclame à ce que je la détourne et l’explose,
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à ce que je la pousse à ses limites, elle sera langue-créole,
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langue -séga, langue-tam-tam, langue-islam, langue mystique,
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langue hybride, langue bâtarde, elle sera langue à l’entre-deux,
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langue charpentée par le ressac des impossibles rencontres,
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elle sera langue pour dire le silence, langue du jamais-dire,
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elle sera langue châtiée de ses pudeurs, langue folle, elle sera
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langue-féconde, éventrée et dépouillée, contamment
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réinventée et constamment changée.
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Ce sont les impasses de la langue qui rendent ma poésie possible.
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Je suis poète à défaut d’une langue.
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Le français demeurera langue inconnue, étrange et étrangère
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mais elle sera aussi langue nouvelle, langue rêvée, langue de
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l’inimaginé, ma langue, mo langaz, langue macérée et
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mélangée, langue-océan qui réensemence mes origines et
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qui embrase mes lendemains.
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© Umar Timol
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tu m’as oublié
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je suis corps
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entombé
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dans un miroir
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qui ne capte
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que les
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sanglots
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de l’Obscur
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© Umar Timol
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Peau
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Ta peau
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est la trace initiatique
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des archipels d’extase
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j’assigne mes mains tutélaires
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à tes estuaires bouillonnants
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je suis bâtard , navigateur
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des patries humides
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je suis sueur métisse
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ma langue instruite aux liqueurs interdites
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tu es la parole encastrée
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enclaves dans les replis de mes délires
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quel est donc ce songe qui
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contre le picoté-mur m’aspire ?
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m’énivre?
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où est-il ?
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que veut-il ?
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quel est donc son nom ?
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es-tu la pulpe suave?
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qui balise mes terreurs?
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es-tu la chevelure débandade
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qui broie mon cœur?
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Ta peau est fièvre qui gravite
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autour d’une nébuleuse d’amour
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© Umar Timol
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