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4
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...il y avait le carnaval
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mon Dieu tout ce folklore
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où l’on oublie sa pauvreté, son indigence,
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où il n’est jusqu’à sa race même
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qu’on ne conjure à jouer farine,
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toutes vérités que l’on farde, parjure,
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puis vient le mercredi des cendres,
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procession diabolique et folie contagieuse,
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où toute entière la ville est dans les rues,
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dans le soleil
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dans le vidé
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pleurant de rire et riant à pleurer,
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riant des pleurs du lendemain amer,
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quand on s’éveille comme au sortir d’un rêve,
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et qu’il faut bien se remettre à vivre
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à vivre vrai
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à vivre mal
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fini le carnaval
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fermée la parenthèse :
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on rentre en cauchemar
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Poème 4 extrait de “Guyane pour tout dire”
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tiré du livre “Le Nègre du Gouverneur “
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( IBIS ROUGE ÉDITIONS,Matoury,Guyane française, 2001)
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5
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...Cayenne est cette ville équivoque et bâtarde,
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édifiée toute entière pour le plaisir de voir,
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toute une architecture de jalousies,
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persiennes,balcons et vérandas,
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et cela tout au long du jour
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qui s’aurore à chaton et tombe à cépérou,
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tout au long de la nuit
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ponctuée, hachée, triturée
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de cris de chiens, de chats,
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querelles de bêtes qui jamais ne s’apaisent,
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au contraire, s’amplifient, s’exaspèrent,
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et soudain quelque part
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sur les toits de tôle ondulée
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une chatte égratigne sa griffe
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et hurle sa solitude
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Poème 5 extrait de “Guyane pour tout dire”
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tiré du livre “Le Nègre du Gouverneur “
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( IBIS ROUGE ÉDITIONS,Matoury,Guyane française, 2001)
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Chapeau de brousse et godillots de toile
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un beau poignard pour se curer les ongles
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il s’attable au bistrot comme dans un saloon
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il commande une bière
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précise Kronembourg
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dit qu’il la veut bien fraîche
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bien fraîche et que ça saute
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mais la boniche accourt
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avec une Mutzig
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alors il ouvre sa braillante :
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“ putain de pays
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putain de soleil
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putain de négresse ! “
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elle ne peut rien dire la boniche
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elle lui ramène sa putain de bière
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à ce putain de vieux blanc
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non elle ne peut rien dire
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elle laisse simplement hurler sa haine
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au fond tout au fond d’elle-même
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et quand il lui pince les fesses
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c’est à peine si elle ose frémir
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rien qu’une vague envie de rendre
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rien qu’une vague envie de tuer
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comme on en rêve à Little-rock
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Poème 11 extrait de “Témoignage pou Kourou”
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tiré du livre “Le Nègre du Gouverneur “
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(IBIS ROUGE ÉDITIONS,Matoury,Guyane française, 2001)
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